Tous les soirs (ou presque) un miracle a lieu dans un quartier fleuri situé sous-gare à Lausanne. Un miracle lyrique, une émotion partagée, un instant de grâce qui suspend le temps lorsque les notes sublimes de ce violon s’échappent d’un minuscule balcon.
Il est près de 20h30, la lumière chaude et transparente de ce printemps qui éclate comme un défi à la noirceur ambiante s’estompe comme pour annoncer le spectacle. Les solitudes du quartier sortent de leur prison imposée et se transforment en euphorie à peine le balcon rejoint car Alexandra entame ses premiers airs.
La précision des pizzicati, la délicatesse du toucher, l'agilité, la vitesse... Il n'y a aucun doute quant au talent de l’artiste.
Un violon... sous les toits
Ce soir, c’est un enchaînement d’airs moldaves qu’elle interprète avec la fougue intime que lui confèrent sans doute ses souvenirs d’enfance. Demain, peut-être, ce sera autre chose. Son répertoire est vaste. Il comprend les plus grands compositeurs de Tchaïkovski à Saint-Saëns en passant par Prokofiev, Beethoven et même Astor Piazzolla : elle délivre une magnifique version de Otoño Porteño, (l’automne des quatre saisons vues par le maître argentin).
Alexandra Conunova – oui, c’est bien d’elle qu’il s’agit – n’est pas que la star de son quartier. En fait, c’est une étoile qui brille au firmament de la virtuosité mondiale. Elle naît en Moldavie, il y a à peine un peu plus de trente ans, dans une famille de musiciens qui l'initie au violon à l’âge de six ans. Dès lors, elle ne cesse de truster les plus grands prix (le premier à l’âge de 9 ans) et elle est devenue une invitée recherchée des plus grands festivals. Elle vit à Lausanne depuis qu’elle y a étudié avec Renaud Capuçon avant d’entamer avec ambition et passion une carrière de soliste. En prime, comme nombre des talents exceptionnels de cette génération, Alexandra ajoute sa beauté aux allures slaves à celle de sa virtuosité.
Une scène minuscule pour un talent immense
En automne dernier, Alexandra Conunova se confiait au journal le Temps, « Il est essentiel pour moi de transmettre l’émotion musicale à tous, de créer des liens et d’élargir le cercle de connaissances. […] Jouer pour de nouveaux publics, mêmes restreints, me donne beaucoup de plaisir. Grâce à mon coach, Eduard Wulfson, qui est devenu un véritable père spirituel pour moi, et à mon Guarneri del Gesù « Von Vecsey» de 1730, je suis heureuse de pouvoir faire rayonner la musique partout où je peux.»
Elle le prouve, le soir venu, devant cette salle naturelle formée d’une demi-douzaine d’immeubles disposés en auditoire urbain. Lorsqu’elle rayonne pour les heureux habitants de ce quartier gentrifié, autrefois peuplé de cheminots, le silence et l’écoute sont intenses. Il y a des larmes. De bonheur, d’espoir, d’amour. Elle termine sa pièce sous un déluge d’applaudissements. « Allez encore un et, après, on applaudit les soignants » lance-t-elle juste avant neuf heures. De l’obscurité et de l’anonymat s’élèvent alors de vibrants « Merci Alexandra ».
Oui, merci Madame.
Une salle de concert en ville
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