Temps Présent, temps militant

Imaginons un couple de journalistes américains.

Elle, reporter pour une télévision locale ; lui, dessinateur de presse pour quelques journaux progressistes. Persuadés que la démocratie suisse est en grand danger, ils décident de venir passer l’été dans notre pays (jamais désagréable…). Leur conviction : le plus grand parti sorti des urnes, l’UDC, incarne une menace fascisante. Il faut donc enquêter, alerter, résister.

Par prudence et pour étayer la plausibilté de leur angle, ils commencent par « vider » leurs téléphones et ordinateurs pour enlever toute trace de « mèmes » pouvant être considérés comme subversifs par une police suisse soupçonneuse. Une fois passés les redoutables douaniers helvétiques – sans dommage (hélas ?) – ils peuvent enfin mener leur mission : documenter les forces de la résistance intérieure. Car dans la Suisse du XXIᵉ siècle, pensent-ils, il doit forcément y avoir un maquis.

Un casting de parabole idéologique

Ils rencontrent d’abord une militante pro-Hamas qui déplore ne pas pouvoir manifester « à sa guise », et raconte qu’elle a failli être renversée par une voiture folle lors d’un sit-in non autorisé.

Puis une professeure d’université, spécialiste des études de genre, qui voit dans les valeurs « traditionnelles » de la droite suisse une menace pour son indispensable travail d’émancipation. Une autre professeure, écologiste militante, revendique sa liberté de pensée jusque dans l’acte de se coller les mains sur la chaussée pour bloquer le trafic : la contester serait déjà l’opprimer.

Vient ensuite un chercheur nobélisé, convaincu que sa compétence en cryo-microscopie électronique l'autorise à militer au nom de l'urgence climatique que, bien entendu, le parti dominant nie et minimise.

Enfin, un militant d’extrême gauche, foulard palestinien et badge ACAB (All Cops Are Bastards) brandis, accuse la police lausannoise de tuer « les gens de couleur », et d’échanger des plaisanteries racisées sur son groupe WhatsApp.

Le verdict

« Aujourd’hui, en Suisse, il y a ceux qui se taisent » – et votent pour l’UDC – « et ceux qui prennent des risques pour défendre la démocratie : les résistants. »

De retour au pays, nos reporters présentent leur « enquête » sur le ton grave de ceux qui reviennent d’une zone de guerre.

Leur reportage s’intitule : UDC : le prix de la résistance.

Fin de l’allégorie

Vous habitez en Suisse et vous voyez ce reportage ? Vous allez forcément éclater de rire (à défaut de pleurer).

Pourtant cette histoire n’est pas totalement inventée : elle se déroule bel et bien, mais en miroir. Ce ne sont pas deux Américains venus observer la Suisse ; c’est une journaliste de la RTS, accompagnée de son mari, qui sont partis aux États-Unis pour observer "la démocratie américaine qui n'a jamais été autant mise sous pression".

Même procédé : mise en scène dramatique, tri sélectif des témoins, réduction de la complexité politique à une lutte morale entre les bons et les méchants.

Ce soir, Temps Présent diffusera ce sujet intitulé « Trump, le prix de la résistance ». Autrefois, cette émission incarnait le grand reportage : celui qui cherche, doute, questionne.

Aujourd’hui, elle s’est muée en tribune militante, où la bien-pensance a remplacé l’esprit critique et le wokisme, la curiosité.

Et, cerise sur le gâteau, c'est vous qui l'avez financée. Alors, heureux ?

Et encore...

Dimanche dernier, le TJ soir a proposé un reportage sur le speed-dating chez les seniors… LGBTQ, et Sport Dimanche a proposé un long sujet sur la question du genre chez les sportifs, tout en n’accordant que quelques secondes au marathon de Lausanne qui a tout de même rassemblé 14’000 coureurs romands. La course à pied est sans doute trop populaire pour ne pas être soupçonnée d’être populiste…