Onsen : bains thermaux chez les Japonais et bien plus qu'un bain d'eau chaude
On les trouve à tous les coins de rue. Ils font partie de la vie quotidienne. C'est un peu l'équivalent, chez les Japonais, ces grands amateurs (et constructeurs) de voiture, du service des 10'000 km, sauf qu'ils le font une ou deux fois par semaine.
Le principe est simple : quelques bassins dont la température varie de 20 à 50 degrés et des robinets alignés le long des murs. On s'assied sur une sorte de minuscule tabouret en face desdits robinets, avec une difficulté relative à la souplesse qu'il nous reste (personnellement, ma première tentative s'est soldée par une culbute qui aurait déclenché une hilarité générale... ailleurs qu'au Japon). C'est là que se déroule le lavage complet. On frotte, on lustre, on rase, on refrotte, on crache, on renâcle (sens premier), on se shampouine, on s'astique (sens premier) et on recommence. Après, seulement après, lorsqu'il ne reste rien d'étranger à votre épiderme et vos muqueuses (bouche, oreilles, nez, etc.) il est permis de se plonger dans les bassins.
Un ballet
A ce moment, commence un ballet assez intéressant. Il est clair que même pour des gens prétendument civilisés, comme le Tokyoïte moyen ou le Suisse moyen, il y a un intérêt ethnologique à découvrir la constitution de son presque semblable. Ai-je oublié de préciser que nous sommes tous nus comme des vers ? On observe donc de manière tout à fait systématique un mouvement oculaire très clair qui va des yeux (genre : salut mon gars, on ne parle pas la même langue mais on est du même métal) à cette partie de l'entrejambe dont on avait oublié de comparer les mensurations depuis les douches des derniers entraînements de nos clubs de foot. Inutile de dire aussi que, vue la placidité de l'observateur asiatique, il est impossible de déduire la moindre appréciation de notre scrutateur dénudé.
Observation gérontologique
L'après-midi, dans les bains japonais, est une affaire de vieux. La retraite est fixée à 60 ans. Plus pour très longtemps, comme dans tous les pays où la démographie ressemble à la courbe des abonnés d'un média mainstream. Autant dire qu'un Onsen l'après-midi, c'est une réunion de 60+. Ce qui implique, au Japon, quelques 80+, voire 90+. D'un point de vue anatomique, c'est intéressant. Les Japonais étant moins gras que les occidentaux, on peut observer le vieillissement dans une optique saine, ou disons plutôt, non grasse. L'impression générale est que l'enveloppe reste la même mais que l'intérieur se vide. On constate donc une sorte de flétrissement qui donne à la peau l'allure d'une vieille pomme vidée de sa substance. Des fesses creuses. des bras sans muscles, des jambes fragiles, des testicules suspendus dans le vide, relativement éloignés de leur propriétaire comme un bungee sans retour...
Toujours classieux
Mais la beauté de tout cela, c'est que le Japonais, même hors d'âge, reste classieux. Il a beaucoup de cheveux, rarement blancs, qu'il traite avec soin. Plusieurs sortes de peigne et un long massage. Son visage n'est pas ridé. Son regard, de plus en plus bridé par le poids des paupières s'alourdissant, est d'autant plus énigmatique, malin, subtil. Ses gestes sont mesurés. Il se déplace lentement avec circonspection. Il rit parfois. Avec mesure. Avec une retenue élégante. Nu comme un ver.
Dernière impression forte: les Onsen sont la plupart du temps interdits aux porteurs de tatouages parce que les Yakusa, les mafieux japonais, sont couverts de tatouages. Pas le mien. Ce qui me donne la possibilité d'observer quelques authentiques tatouages mafieux. Très impressionnants: la totalité du corps est tatouée. La partie la plus artistique étant le dos, manifestement la surface la plus apte à développer des dessins majeurs, surtout sur des garçons musclés. Le thème : un démon japonais dont la tête cornue se loge sur l'épaule et le bassin sur la fesse. La jambe s'allongeant sur son égale de chair.
Bref, c'est tout un monde qui défile alors que le corps se dilate et se contracte à l'aune des bains chauds ou froids.
Certains bains sont classés monuments historiques, comme ceux de Yunomine, cachés dans une vallée profonde et sinueuse.
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