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Writer's pictureChristian Jacot-Descombes

Un nuage de design dans une tasse de thé provoque une pluie de millions.

Updated: Aug 11, 2020




« C’est en observant comment les produits connaissent le succès ou l’échec que j’ai réalisé que quelque chose qui ne marche pas peut toujours être réinventé ». Forte de ce constat, Maryanne Shearer, avec Jan O’Connor, sa partenaire, a inventé une des belles success stories du business australien.



La première est designer dans le milieu de la mode. La seconde, architecte, sort du RMIT, le Royal Melbourne Institute of Technology. Un jour de 1996, lors d’une réunion au sujet de leur business d’articles ménagers, elle se font une tasse de thé pour donner un coup de fouet à leurs discussion. Et boom ! L’idée est là : faisons dans le thé ! A ce moment-là, en Australie, c’est le café qui cartonne (pour les quelques-uns qui ne boivent pas que de l’alcool dans ce pays très... « festif », ndlr). Et le thé n’est alors en Australie qu’une triste affaire de sachets Lipton et de breuvages de grand-mère.



Un Oolong aux arômes de beurre clarifié. Entre 3 et 6 minutes d'infusion dans une eau à 80°C



 Fun et féminin

Elles se lancent avec un premier magasin à Brunswick Street (photo de tête) dans le quartier de Fitzroy (alors en passe de devenir l’un des lieux branchés de Melbourne). Des journaux chinois tapissent les murs, le plafond est peint en rose, on crée de étalages de thés odorants et on propose des thés de qualité, natures ou parfumés, le tout avec une touche marketing visant à gratifier le client en lui montrant la noblesse trendy du produit : « on ne vend pas du thé, on l’aime ! Ensemble. » La société est baptisée « Tea Two » mais devient T2. Dépoussiérée, l’image du sublime breuvage est revue à la mode selon nos deux entrepreneuses : chez T2, le thé est fun, féminin et fait rêver comme les noms des blends maison : Fruitalicious, Buddhas Tears ou Green rose.


Le succès de T2 est rapide. Il bénéficie d’un regain d’intérêt mondial pour le thé. C’est le succès phénoménal du Bubble Tea venu de Taïwan, le retour en grâce du très british Afternoon Tea rebaptisé High Tea et devenu un must dans tous les endroits chics du monde anglo-saxon. Il s’inscrit parfaitement dans la tendance des produits sains. Anti-oxydant et peu caféiné, il a tout pour plaire au millénial qui l’accompagne de son toast à l’avocat. Last but not least : associé au thé, il y a le plaisir indicible de le faire. C’est la cérémonie du thé au Japon. C’est plus prosaïquement, ailleurs, la liberté de prendre un peu de temps pour soi. Un luxe moderne.



 Le teamaker de T2. Une fois le thé infusé, il suffit de le poser sur la tasse pour que le breuvage s'y écoule.




Toutes sortes de déclinaisons

En quelques années, T2 a conquis l’hémisphère sud dont il est devenu le premier détaillant. Il a contribué à changer les habitudes des Australiens qui consomment désormais près de dix tasses par semaine dans un marché estimé aujourd’hui à plus de USD 200 millions. A Sydney et Melbourne, se tient un festival annuel du thé et des Masterclass connaissent un grand succès. Une échoppe spécialisée propose les thés qui sont évoqués dans la littérature et les vend dans un emballage en forme de livre. Harvest Index vient d’ouvrir son premier magasin minimaliste dans la rue qui a vu naître T2. Il propose en tout et pour tout six grands crus japonais.


Une petite fortune

En septembre 2013, T2 est acquis pour environ USD 40 millions par Unilever, un géant de l’alimentaire (concurrent de Nestlé) qui poursuit le développement de la marque sans en changer ni la nature, ni le design. On trouve dans la centaine de magasins répartis entre l’hémisphère sud, l’Asie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, les mêmes produits qu’à l’origine. Notamment un délicieux Dong Ding (Oolong des montagnes) aux arômes de beurre clarifié et un autre produit miracle made in Taïwan : le teamaker. Une théière astucieuse et pratique qui permet de repasser aisément plusieurs fois le thé, ce qui convient particulièrement bien au semi-fermentés taïwanais qui, comme l’on sait, s’améliorent après deux ou trois passages. Les thés de T2 sont évidemment vendus en vrac. Pour le thé en sachet, Unilever a déjà ce qu’il faut. Il est propriétaire de Lipton.


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