top of page
Search
Writer's pictureChristian Jacot-Descombes

La géo-ingénierie solaire est capable de nous rafraîchir mais l’écologie politique n’en veut pas.


Images du Spitzberg (2013) comme tentative photographique de rafraîchir l'atmosphère.


Limiter le réchauffement climatique en plaçant un bouclier réfléchissant entre la Terre et le soleil ? La géo-ingénierie solaire (GIS) est une idée que l’on l’étudie sérieusement du côté de Harvard et du MIT[i], entre autres, depuis plusieurs années. Pratiquement, Il s'agit de placer des aérosols (gouttelettes assez fines pour qu'elles redescendent lentement) dans la stratosphère où ils réfléchiraient une partie de la lumière solaire vers l'espace.


Spitzberg (2013)

Du point de vue de l’ingénierie, on sait comment procéder : une flotte d’une centaine d’avions volant à haute altitude et dispersant du dioxyde de soufre pourrait permettre de gagner un degré de refroidissement. Cerise sur le gâteau : un coût très modeste de l’ordre de 5 à 10 milliards de dollars par an. Comparés aux mille milliards annuels nécessaires à une décarbonation que les spécialistes jugent urgemment indispensable, c’est évidemment intéressant : 200 fois moins cher.

Une solution pour atténuer les risques

Alors ? La GIS : solution miracle de notre problème avec le climat ? Pas si simple. Selon David Keith[ii], Professeur de physique appliquée et co-fondateur du programme de recherche sur la GIS à Harvard, « La GIS est très tentante car si l’on veut une réduction rapide des dommages réels causés à certains des écosystèmes les plus pauvres du monde, elle pourrait y parvenir. Mais d'un autre côté, il est absolument vrai que si le monde choisit d'adopter la GIS et oublie de réduire les émissions, nous sommes fichus... » Nous ne ferons donc pas l’économie de la décarbonation grâce à la GIS, mais face à l’urgence, brandie par les spécialistes du climat, elle pourrait permettre de gagner du temps et surtout, comme le souligne David Keith, d’agir rapidement pour ceux qui sont le plus exposés.


Spitzberg, juillet 2013. Avec fracas.

On sait par ailleurs que la décarbonation permettra de diminuer, voire stopper l’aggravation du réchauffement mais pas le réchauffement lui-même qui est lié à l’accumulation de CO2 au fil du temps. Dans ce cadre, il faut voir la GIS comme une opportunité supplémentaire de réduire les dommages ponctuellement. Elle s’inscrit dans le cadre d’autres mesures de géo-ingénierie prometteuses mais encore coûteuses comme l’albédo de surfaces (recouvrir, par exemple, les surfaces dans les grandes villes de peintures réfléchissantes), l’éclaircissement des nuages ou encore la maîtrise des traînées de condensation des avions que l’on dérouterait de manière à en minimiser la densité. C’est en puisant dans ce même type de technologies que les Mexicains luttent contre la sécheresse en créant de la pluie artificielle[iii] ou que les vignerons suisses se protègent de la grêle.

Interdire avant de savoir

Comme pour tout ce qui a présidé au développement du génie humain, ce qui résultera des solutions qu’offre la géo-ingénierie n’est pas un succès assuré. Peut-être qu’il s’agit de fausses bonnes idées. Seul moyen de le savoir ? Poursuivre la recherche. Seulement voilà, la GIS n’a pas l’heur de plaire à ceux qui se sont donnés la mission de sauver le monde et tiennent absolument à imposer leur méthode. Soutenus par les voix bruyantes de l’écologie politique, une soixantaine d’intellectuels et scientifiques ont signé en janvier dernier une pétition[iv] réclamant l'interdiction du financement gouvernemental de la recherche sur la GIS et l'interdiction totale des expériences en plein air dans ce domaine. Raisons invoquées ? Elles sont trois :

  • « On connaît mal les risques de la GIS car ils sont peu étudiés ». Incontestablement, c’est un point que l’on ne risque pas de résoudre en interdisant la recherche !

  • « Les espoirs suscités par la GIS risquent de dissuader les gouvernements, les entreprises et l’ensemble de nos sociétés de faire tout leur possible pour parvenir à la décarbonation ou à la neutralité carbone le plus rapidement possible ». Faut-il comprendre, en creux, qu’il faudrait encore aggraver la situation pour mieux muscler la détermination des acteurs ? Ou alors, s’agit-il de préférer la peur à la responsabilisation ? Effrayer plutôt que convaincre ? Emouvoir plutôt que raisonner ?

  • « Le système de gouvernance mondiale n’est actuellement pas en mesure de […] contrôler le déploiement de la GIS de manière équitable, inclusive et efficace » C’est vrai et c’est tant mieux : réglementer la recherche avant même qu’elle ait abouti n’a jamais mené, au mieux, qu’aux expérimentations clandestines.

Spitzberg, juillet 2013. Avec grâce.

Un réflexe politique

Ces objections, très orientées politiquement et qui font écho à la position expéditive (3 paragraphes) du GIEC sur le sujet[v], s’inscrivent dans ce réflexe de la gauche (partis et médias) qui balaie d’un revers de la main tout ce qui n’oblige pas à une forme de décroissance. Comme pour le nucléaire, la GIS n’est traitée, lorsqu’on veut bien lui prêter de l’attention, que sous l’angle négatif. La Radio Télévision Suisse, par exemple, a manifestement découvert son existence avec la pétition visant à l’interdire. Dans une interview de complaisance[vi] sur cette antenne, Hervé le Treut, membre de l’Académie des sciences, avoue sans fard à deux journalistes mal informés (dans le service public, la bonté des intentions l’emporte volontiers sur la connaissance du sujet) qu’il faut se méfier des méthodes telles que la GIS « car elles ne sont pas validées ». Raison pour laquelle, sans doute, il a signé la pétition visant à interdire les recherches qui risqueraient d’y parvenir…


Spitzberg, juillet 2013. En silence

Maintenir l’angoisse

On peut s’interroger sur cette propension de l’écologie politique à refuser toute ouverture en direction de l’innovation technologique qui va, donc, jusqu’à pousser des scientifiques à renier l’essence même de leur travail en tentant d’interdire à certains de leurs pairs de mener des recherches. Ces bien-pensants qui n’hésitent pas à traiter tous ceux qui ne pensent pas comme eux de « platistes » tombent furieusement dans le travers qui a valu beaucoup d’ennuis à Galilée. Une hypothèse peut être tentée : dans leur effort de conviction (légitime) sur la nécessité de décarboner l’économie, les militants du climat font pression sur les acteurs économiques (principalement les institutions financières et les fonds de pensions) en leur promettant que le statu quo coûtera plus cher demain que les efforts qu’il convient de faire maintenant. C’est sans doute vrai, sauf si l'on admet que le génie humain puisse, une fois de plus, trouver des solutions efficaces à ce problème. Mais, admettre que des innovations technologiques puissent venir diminuer l’ampleur de la facture promise nuit, en quelque sorte, à la démonstration. Mieux vaut alors renoncer à évoquer l’éventail des possibles pour mieux évangéliser. Quitte à désespérer un peu plus encore la génération flocon de neige qui déjà se liquéfie sous les effets de l’éco-anxiété.

Finalement, on voit bien que tout dépend de ce que l’on vise : la fin du réchauffement (via l’innovation) ou la fin du capitalisme (via la décroissance). Un choix sans équivoque.


[i] MIT : SpaceBubbles: the deflection of solar radiation using thin-film inflatable bubble raft.

[ii] David Keith : “Solar Geoengineering Would Be Radical. It Might Also Be Necessary”. Entretien avec Steve Levitt, Freakonomics Radio, 10 juin 2022.

[iii] Cloud Seeding Plans to Bring Back Rain to Mexico, Agribusiness & Food, 24/6/2021

[iv] La géo-ingénierie solaire ne sauvera pas le climat, stoppons-la ! Reporterre, le quotidien de l’écologie https://reporterre.net/La-geo-ingenierie-solaire-ne-sauvera-pas-le-climat-stoppons-la

[v] “Les approches de modification du rayonnement solaire, si elles devaient être mises en œuvre, introduiraient un large éventail de nouveaux risques pour les personnes et les écosystèmes, qui ne sont pas bien compris (confiance élevée).

Les approches de modification du rayonnement solaire ont le potentiel de compenser le réchauffement et d'améliorer certains risques climatiques, mais un changement climatique résiduel important ou un changement de surcompensation se produirait à l'échelle régionale et saisonnière (confiance élevée).

De grandes incertitudes et lacunes dans les connaissances sont associées au potentiel des approches de modification du rayonnement solaire pour réduire les risques liés au changement climatique. La modification du rayonnement solaire n'empêcherait pas l'augmentation des concentrations de CO2 dans l'atmosphère et ne réduirait pas l'acidification des océans qui en résulterait si les émissions anthropiques se poursuivaient (confiance élevée)” ", https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/downloads/report/IPCC_AR6_WGII_SummaryForPolicymakers.pdf

Recent Posts

See All

Commentaires


bottom of page